Mamitabriacine honore ses ancêtres, briacins depuis 1818 !
Une histoire de famille : les Perrette
La rivalité entre deux communes est chose courante et, à la question posée par une vieille tante dans les années soixante : « Préfères-tu Saint-Briac ou Saint-Lunaire ? », il était évident de répondre : « Saint-Briac », ce à quoi elle ajoutait inévitablement : « Eh bien vois-tu, moi aussi ! ».
Et pourtant, la source est sûre et les archives paroissiales formelles, le premier Perrette (Perette) recensé dans notre région l'est à Saint-Lunaire... C'est en 1711, à l'occasion de l'enterrement « aux frais de la paroisse », d'un enfant de quatre ans, Nicolas Perrette, fils de Marie Degrain et Jan Perrette, « pauvre mendiant de l'évêché de Bayeux ». Jan, originaire de Normandie meurt lui-même le 20 septembre 1736 à la Ville es Quelmées, en Saint-Lunaire, à l'âge de 65 ans ; la famille est déjà bien installée dans le pays.
Le registre d'état-civil de Saint Lunaire de février 1711
Un fils de Jan, Alain Lunaire Perrette, né en 1713, épouse une fille de Ploubalay, Jacqueline Lecailler et est crédité, sur l'acte de décès de sa fille Marie-Mathurine en 1822, du titre de laboureur, ce qui peut signifier une réelle ascension sociale, car le « laboureur » sous l'Ancien Régime exploite des terres qu'il loue ou possède. Alain meurt à Saint-Lunaire le 12 février 1794.
Sur ses dix enfants, six filles et quatre garçons, deux de ces derniers vont assurer la pérennité du patronyme :
-- Julien Yves est l'ancêtre de la branche de la famille Perrette dont il est question ici et le premier de cinq générations successives de « Julien »: Julien Yves, Julien Pierre, Julien Jean, Julien Léon et le dernier, pour moi "L'oncle Julien"
et
-- Joseph, marin, maître au cabotage, qui se marie à Saint-Briac en 1771 avec Françoise Joulain et qui est l'ancêtre de la seconde branche des Perrette à Saint-Briac.
Comme tous ses frères et sœurs, Julien Yves, naît à Saint-Lunaire, le 3 mai 1741. Il devient marin et le premier capitaine Perrette. Catherine Dressayre, dans son livre, « Activité maritime à Saint-Briac au XVIIIème siècle », le cite comme capitaine de « La Fortune », un bâtiment de 50 tonneaux, en 1770. Il épouse en 1785 Marie Jeanne Costuas et, en 1786, naît son unique enfant Julien Pierre. Julien Yves est le premier Perrette à périr en mer, comme l'atteste l'acte de mariage de son fils à Saint-Briac, en 1818, qui qualifie le père absent de « péri en mer en 1807, et dont on n'a plus de nouvelles depuis lors ».
Julien Pierre, né le 10 octobre 1786, part naviguer de bonne heure et son histoire est auréolée d’une certaine dose de légende. La rumeur familiale ajoutée à un zeste d'anglophobie, disait « qu'intrépide comme Jean Bart, il abattait les Anglais par monceaux à coups de sabre et que, pour courir sus aux Anglais pris par les glaces dans la rivière d'Anvers, il avait abandonné son poste à bord, ce qui, après une condamnation à mort, immédiatement annulée, lui valut les félicitations quand on découvrit sa courageuse conduite ».
Il n'a pas encore quinze ans lorsqu'il perd sa mère en mai 1801 ; dès le 7 novembre, il embarque sur le « Dauphin », commandé par un autre Perrette (son père ? Son oncle ? Peut-être un cousin plus âgé, fils de l’oncle Dominique?). Les embarquements se succèdent : 1803, sur « l’Amitié », capitaine Guillaume, puis sur « L’Eléonore », capitaine Roux, 1804, sur le « Général Pérignon », capitaine Leconte. Proche de ses 18 ans, il rejoint les « bâtiments de l’Etat ». Deux brefs passages sur la corvette « L’Audacieux », puis sur la bombarde « l’Infernale » ; le 29 novembre 1806, il embarque comme matelot sur « La Manche », une frégate qui participe aux combats contre l’Angleterre. Il devient aide-timonier, sous voiles sans relâche durant 4 ans et 7 jours jusqu’au 3 décembre 1810, à l’île de France (future île Maurice) lorsque, après la capitulation qui livre l’île aux Anglais, tous les navires français qui se trouvent là sont capturés et passent sous pavillon anglais.
Julien Pierre est prisonnier avec ses compagnons. Le 5 décembre, il est embarqué à bord de « L’Uptoncastle », vraisemblablement un navire pénitentiaire sur lequel il retrouve son cousin Dominique, prisonnier comme lui. «L’Uptoncastle » appareille…pour Morlaix où il arrive le 19 mars 1811. Pourquoi Morlaix, en temps de guerre ? Selon l’historien Jacques Gury, de Brest, « la convention de capitulation de l’Ile de France devait prévoir le rapatriement des marins et soldats dans un port français. A cette époque, la guerre restait relativement civilisée et on pouvait négocier des conditions plutôt favorables et honorables. Sous la Révolution et l’Empire, Morlaix fut le port où s’opéraient les échanges de prisonniers, et une commission franco-anglaise y négociait en permanence ».
Julien et Dominique ont donc la chance inouïe d’être ainsi rapatriés en Bretagne, lorsque tant d’autres marins français prisonniers croupissent sur les sinistres pontons de Portsmouth et de Plymouth. En ce printemps 1811, les voilà donc en marche vers le pays natal. Julien Pierre ne l’a pas revu depuis près de cinq ans (et Dominique probablement depuis sept ans !). Que de choses à raconter ! Mais, à la Ville Billy, Julien ne retrouve pas son père, disparu depuis quatre ans. A 25 ans, il a l’âge de fonder un foyer ; dès le 11 juin, il épouse à Saint-Lunaire Jeanne Ohier, elle-même fille de marin.
La guerre ne cesse pas et, après l’été, Julien Pierre reprend son service. Il part à pied en direction d’Anvers, où l’escadre française est bloquée dans l’Escaut par la flotte anglaise. Il embarque le 21 octobre en qualité d’aide-timonier sur le « Pacificateur », puis le 23 juillet 1812 sur le « Conquérant » comme second chef timonier. On le retrouve le 5 septembre 1815 à Saint-Lunaire signant l’acte de naissance d’une fille, Marie Anne. Mais dix jours plus tard, la maman meurt et, 4 jours après, la petite fille décède à son tour. Que fait Julien Pierre après cette tragédie ? Nous l’ignorons, jusqu’à son second mariage, le 2 décembre 1818.
C’est à Saint-Briac qu’il se marie cette fois, car la famille de la jeune Marie Jeanne Nicolin habite le hameau de La Fosse. Elle a 20 ans, il en a 32. L’oncle Dominique, installé à La Chapelle, est présent, ainsi qu’Ambroise Aillet, un maitre de barque briacin. La famille s’installe à la Ville Billy en Saint-Lunaire, où naissent le 29 septembre 1819 Julien Jean, Eugène François en 1821 et Benjamin en 1823. Hélas Benjamin meurt à l’âge de 10 mois, bientôt suivi par sa mère le 3 juin 1825. La vie de Julien Pierre est définitivement brisée et il décède deux ans plus tard, le 23 avril 1827.
Julien Jean n’a pas huit ans et son frère Eugène 6 quand ils perdent leur père, C’est donc chez leurs grands-parents maternels, les Nicolin, à La Fosse en Saint-Briac qu’ils sont élevés. Ils reçoivent une bonne éducation et, dans cette famille de marins, ils n’ont pas de mal à l’adolescence à trouver un embarquement.
Pour Julien Jean, avec la rencontre de Marie Lesène, qui va devenir son épouse, c’est le début de l’installation à La Chapelle, où il retrouve ses cousins, fils et petits-fils de Dominique. Marie Lesène a trois ans de moins que lui, c’est l’ainée de cinq enfants ; à 11 ans, elle a perdu son père, disparu en mer à bord du brick « L’Elise » ; sa mère, Françoise Aillet, tient une petite épicerie au carrefour de La Chapelle. Ils se marient le 20 décembre 1841 et emménagent dans la maison devenue depuis « Les Hirondelles », dont l’actuel salon est encore une étable. Ils y résident sans interruption jusqu’au décès de Julien le 12 février 1894.
On sait peu de choses des navigations de Julien Jean avant qu’il ne participe à l’expédition du Mexique, et notamment au siège de la forteresse de San Juan de Ulua, sur l’île Gallega, devant Vera Cruz, en 1862. Il prend ensuite le commandement du brick « La Jeune Colombe » sur lequel il effectue six campagnes entre 1866 et 1870, avant de le passer à son fils ainé Eugène ; en 1873, il est capitaine du « Kermalo ».
Brick "La Jeune Colombe" commandé par Julien Jean
La vie à La Chapelle est ponctuée de nombreuses naissances : sept enfants. Mais de terribles drames endeuillent la famille à partir de 1861. Laissons Bernard Perrette, arrière-petit-fils de Julien Jean nous les raconter :
« Cette année-là, la petite Léonie Marie meurt du croup, elle n’a que deux ans. Dix ans plus tard, le 3 janvier 1871, Eugène, le fils ainé, capitaine au long cours, fiancé à une jeune fille de Saint-Briac, Anna Besnard, meurt à bord du brick « La Jeune Colombe », qu’il commande depuis avril 1870, après son père, et sur lequel se trouve aussi son frère François alors âgé de 17 ans. Le navire se rend de Marseille à Bordeaux, il se trouve à 150 milles au large du Portugal. Le second capitaine, François Noêl, se refuse à immerger le cadavre et essaie de relâcher à Lisbonne, où on lui interdit le débarquement par crainte d’épidémie. Il réussit à le faire inhumer à Setubal, où le navire a pu enfin entrer.
Deux ans plus tard, début 1873, François est à bord du trois-mâts « Le Servannais », en route de Greenock vers Brest, lorsque ce navire coule corps et biens au cours d’une tempête dans le canal St Georges. La nouvelle de la mort d’Eugène avait été un choc pour ses parents, celle de François s’impose peu à peu après des semaines d’angoisse. Et c’est au même moment, le 1er avril 1873, qu’ils perdent leur fille Julie, âgée de 22 ans ; on dit qu’elle s’était blessée à mort en tombant d’une échelle. Quatre enfants disparus, dont trois en deux ans, on comprend pourquoi la tradition familiale rapporte que la malheureuse mère allait crier sa détresse sans témoins sur le Port-Hue alors désert.
En 1880, Frédéric, le plus jeune, a 18 ans. Il a déjà navigué l’année précédente comme novice à bord du « Jacques Cœur », un trois-mâts de 436 tonneaux construit à Saint-Malo en 1875 et appartenant à l’armement Bossière du Havre. Son frère, Julien Léon commande ce navire, il a Frédéric à son bord ; partis du Havre le 20 juin 1879 avec 14 hommes et un passager, ils arrivent à Callao, au Pérou, le 2 octobre, y déchargent leur marchandise et repartent le 6 novembre avec un chargement de sucre pour Liverpool. Ils y arrivent le 10 mars 1880, chargent du charbon et repartent le 25 pour Le Havre, où ils arrivent le 2 avril. Les deux frères ont-ils le temps d’aller revoir Saint-Briac ? On peut le supposer, car le chemin de fer existe déjà. Mais leur séjour est bref, le navire doit repartir un mois plus tard. Frédéric embarque en qualité de lieutenant et toujours sous le commandement de son frère. Le navire quitte Le Havre le 10 mai, à nouveau vers Callao. Le 17, un fort vent d’est pousse le navire, maintenant largement sorti de la Manche. Et c’est le drame… ». « Frédéric », écrit Julien Léon dans son rapport, « est tombé à la mer, à deux heures de l’après-midi, en travaillant à mettre les ancres sur le gaillard d’avant. Le navire étant en fuite, vent arrière, grand vent d’est, impossible de mettre d’ embarcations à la mer ; louvoyé à petits bords jusqu’à neuf heures du soir sans avoir rien aperçu. Chaque bordée nous faisait perdre de la route, tout ce qui était humainement possible a été fait, et cela en vain ». Le capitaine doit effectuer tout son voyage sans même pouvoir prévenir ses parents. Il reste le seul enfant survivant avec Marie Eugénie, la fille ainée, qui a épousé en 1862 un autre capitaine, Frédéric Rouillé.
Le jardin des « Hirondelles » par A. Renoir (1886). La maison a encore son toit de chaume.
Julien Jean Perrette, son épouse Marie Lesène et trois de leurs petits-enfants, Gabrielle, Louise et René devant Ker Monique en 1891.
Julien Jean passe sa retraite dans la maison de La Chapelle. Il a un bateau pour la pêche et la promenade. Vers les années 1885, comme beaucoup d’autres Briacins, il loue l’été à des estivants sa maison des « Hirondelles » ; ainsi l’été 1886 à la famille du peintre Auguste Renoir, venu chercher en Bretagne de nouvelles sources d’inspiration. Renoir écrit le 7 août à son ami Paul Bérard : « mais revenons à la Bretagne pour vous dire seulement que les gens y sont agréables et les femmes fort jolies ; il y a peu d’hommes car ils se noient par trop souvent, la brave femme chez laquelle je suis en ce moment en a perdu 3 sur 4 ». Julien convie son illustre locataire à des promenades en bateau dans la baie.
Il meurt le 11 février 1894. Son fils Julien Léon accueille sa mère quelques années plus tard dans sa maison dite « le Moulin » où, en qualité de doyenne, elle récite les prières du soir : « Mon Dieu, faites que René soit un bon prêtre »,et son petit-fils corrige en catimini : « non, un bon capitaine ! ». Elle décède le 27 août 1909, à 87 ans.
Julien Léon, né le 24 novembre 1846, le quatrième Julien dans la lignée, a une enfance heureuse à La Chapelle. Les enfants n’y manquent pas à cette époque, il y a de véritables tribus, notamment chez les Lesène, les Poulain, les Folange… On va directement de la maison à la plage du Béchet à travers champs et, après avoir fait de grosses bêtises, on peut aller se cacher dans quelque bateau si la mer n’est pas haute.
Julien est bien sûr destiné au métier de marin et il part comme mousse de bonne heure. Entre ses navigations, il suit les cours de l’Ecole d’hydrographie de St Malo jusqu’à l’obtention du brevet de capitaine au long cours. Navigations souvent heureuses, mais parfois tragiques. Alors que son frère François navigue à son bord, accumulant les mois nécessaires à l’obtention de son brevet de capitaine, il lui conseille de changer de navire pour que ses certificats ne soient pas tous signés du même nom de Perrette. Et François s’embarque sur un autre bateau, qui sombrera corps et biens.
En 1873, Julien demande en mariage Marie Reine Beauregard, jolie jeune fille d’une bonne famille dont le père Jean-Marie est aussi capitaine ; cette famille habite l’actuelle rue Croix des Marins, dans une maison qui sera plus tard scindée en « Ken Avo » et « Le Petit Port ». Julien a dix ans de plus que Marie Reine, mais c’est une différence fréquente à l’époque. Le mariage a lieu à Saint-Briac le 23 février 1876 et, cette même année, à Noël, naît une fille, Marie. C’est ensuite un garçon, le cinquième Julien Perrette qui naît le 19 mars 1878.
Les navigations se succèdent : Julien Léon prend le commandement du trois-mâts « Jacques Cœur », de l’armement Bossière du Havre et effectue en 1879 le voyage du Pérou. C’est à bord de ce même navire que survient au cours d’un autre voyage en 1880, la dramatique chute à la mer de son frère Frédéric. Il entre à la Compagnie Maritime du Pacifique pour y prendre pendant deux mois, de septembre à novembre 1882, le commandement d’un vapeur mixte (voiles auxiliaires), le « Tafna » ; puis il exerce les fonctions très honorifiques de capitaine d’armement de novembre 1882 à février 1883. Ce poste à terre ne le comble pas et il reprend dès février 1883 le commandement d’un autre vapeur mixte, « L’Atlantique », pour une traversée Le Havre-Valparaiso qui enchante tellement certains de ses passagers sud-américains qu’ils adressent au commandant une lettre de remerciements. En octobre 1885, Julien décide de quitter définitivement la navigation, il va avoir 39 ans.
On peut imaginer que l’arrivée de la vapeur diminue pour lui l’attrait de la navigation. Les capacités exigées sur un grand voilier sont sans commune mesure avec celles d’un capitaine de vapeur. Mais on peut aussi penser qu’il veut éviter aux siens le risque de nouveaux drames. La famille s’accroît en février 1885 d’une fille, Gabrielle, et en juin 1886 d’un second fils, René. Il rachète à un entrepreneur, M. Moreau, la grande maison que ce dernier vient de construire au sommet de la butte du vieux moulin de La Houle, à côté de celui-ci. On quitte les grands-parents de la rue Croix des marins, mais on se rapproche de ceux de La Chapelle. Trois autres filles naissent au « Moulin » : Marguerite en 1887, Louise en 1890 et Magdeleine en 1894.
La maison dite « le Moulin », derrière le vieux moulin de La Houle
(à venir)
Le chemin de fer arrive maintenant à Dinard, Saint-Briac n’est plus isolé et le sera de moins en moins avec l’arrivée à La Houle du tramway à vapeur et la mode des bains de mer. Les estivants sont de plus en plus nombreux l’été, et louent en général chez l’habitant. Les propriétaires qui disposent d’un lieu de « repli » trouvent à louer avantageusement et une grande maison récente comme le « Moulin » se loue bien. La famille se replie aux « Hirondelles », mais s’y trouve de plus en plus à l’étroit et en 1896, Julien achète à sa belle-sœur Françoise Lesène la maison voisine, la future « Ker Monique ». C’est ensuite la maison des Hirondelles qui est louée jusqu’en 1924, lorsque René y revient pour les vacances d’été avec sa famille.
Julien Léon a un bateau pour pêcher et promener sa famille. Pas de moteur, bien sûr, ce qui pose parfois problème quand il s’en va ramasser des moules jusqu’aux rochers d’Erquy ou pêcher à la traîne au large du Cap Fréhel et que la brise fait défaut au retour ! Il lui faut un jour revenir de Fréhel jusqu’au Béchet à la godille ! En grande marée, on va en famille pêcher à l’île Agot. Il y a en ce temps-là un bouc sur l’île ; il vient un jour attaquer Marie Reine qui doit s’adosser à un rocher et se protéger avec le grand panier du pique-nique. Homards et maquereaux garnissent en abondance la table. Du dernier étage de sa grande maison, Julien peut observer à la jumelle la baie et les mouvements des bateaux ; avec son « 14 pieds » bien gréé, il participe aux régates annuelles opposant entre eux les meilleurs capitaines de la région.
Julien est conseiller municipal, élu en 1896. A la suite de la démission de Maurice de Villebresme, il est élu maire par le conseil municipal le 5 mars 1899 ; il est confirmé dans cette fonction par les électeurs en mai 1900. C’est l’époque agitée de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, des inventaires, du « petit père Combes », de l’antagonisme entre le clan des « francs-maçons » et celui des « calotins ». L’atmosphère est chaude, même à Saint-Briac, et la nature, réputée vive, de Julien Perrette peut parfois s’extérioriser ! On doit à son mandat, en particulier, l’arrivée du téléphone et de l’électricité au village, la poursuite de la création d’une place du Centre décidée par son prédécesseur (il achète et détruit la maison Rouviré pour commencer à dégager de l’espace), le projet en 1906 de la nouvelle école publique garçons et filles (dans l’actuelle rue des Préaux) qui ouvrira en 1909…Il entretient d’excellentes relations avec son collègue de Saint-Lunaire, Alphonse Ollivier, à la nièce duquel il marie en 1916 son fils René
Il démissionne de sa fonction de maire en octobre 1907.
Julien Léon et son épouse, entourés de Marguerite, Julien (en uniforme de l’Ecole Navale), René, Gabrielle, Louise et Magdeleine aux « Hirondelles » en 1898. Il manque Marie, la fille ainée, mariée l’année précédente à Eugène Noël (également futur maire).
Ce sont ensuite les années de la Grande Guerre, fils et gendres de Julien Léon sillonnent la Méditerranée mais ont la chance d’échapper aux torpillages qui endeuillent bien des familles de Saint-Briac. Déjà grandissent partout de nombreux petits-enfants. La maison du Moulin est vide, les enfants de Julien Léon l’ont peu à peu quittée. Les promenades en bateau se font plus rares et la remontée depuis le Béchet semble rude, car Julien souffre maintenant d’emphysème. Il veut se rapprocher du Bourg et fait construire deux maisons jumelles en haut de la rue Croix des Marins, « La Falaise » et « La Vallée », dans laquelle lui et sa femme s’installent en octobre 1921. La maison est moins fatigante, bien exposée au midi. On y jouit à cette époque d’une jolie vue sur la grève du Petit Port et la marée vient lécher le pied du jardin. C’est après avoir travaillé dans celui-ci que se déclare la congestion pulmonaire qui l’emporte le 14 décembre 1921.
Marie Reine vit encore de nombreuses années, à « La Vallée », parmi les souvenirs ramenés par son beau-père, son mari et ses fils de leurs voyages à travers le vaste monde ; au milieu de lettres aussi, soigneusement conservées et des récits qu’on se répétait en imitant avec attendrissement, les gestes, toujours les mêmes, qui les accompagnaient. Il n’y a plus grand monde autour d’elle en 1940, la famille est dispersée. A l’entrée de l’hiver, elle fait, sur le chemin de l’église, une chute fatale sur le verglas et meurt le 23 décembre 1940
Que sont devenus les enfants de Julien Léon ?
Julien est entré à l’Ecole Navale. Il va se distingue aux Dardanelles à bord du cuirassé « Le Gaulois » et terminer sa carrière comme capitaine de vaisseau. Son épouse Jeanne Huet, originaire de Dinan, lui donne quatre enfants.
René devient capitaine au long cours. Par son mariage avec Marie Ollivier, dont les racines familiales, riches en capitaines, se retrouvent à Saint-Briac comme à Saint-Lunaire, il aura huit enfants.
Sur les cinq filles, trois, Marie, Louise et Magdeleine, vont épouser un capitaine briacin : Eugène Noël, Joseph Savary et Eugène Lévêque et auront aussi de nombreux enfants. Marguerite décède prématurément à 26 ans, en 1913. Gabrielle reste célibataire, après avoir pensé devenir religieuse, et meurt en 1944.
Les descendants de la famille Perrette sont encore bien implantés à Saint-Briac, en majorité maintenant comme résidents secondaires. Quatre marins dans les deux générations suivantes, deux actuellement, une course transatlantique en solitaire pour une autre, témoignent que c’est bien de l’eau salée qui leur coulait dans les veines…
Françoise Le Mouëllic, d’après les recherches et le récit de Bernard Perrette.